lundi 23 janvier 2012

INTERVIEW – "C’était comment São Paulo, il y a 50 ans ?"


Lise Aron est née au Brésil en 1951, de parents français qui s’étaient installés à São Paulo, pour fuir la seconde guerre mondiale et le nazisme. Elle, qui a vu la ville se transformer, a répondu aux questions des enfants de l’atelier de journalisme

Comment es-tu arrivée au Brésil ?

Lise Aron : Je suis née au Brésil. Mes parents, qui étaient juifs, étaient venus s’y installer pour fuir la seconde guerre mondiale et le nazisme. Je suis allée dans une école brésilienne et nous parlions français à la maison. Dans les écoles, les professeurs enseignaient aussi le français. Mais en 1964, après le coup d’état militaire, un ministre a décidé d’arrêter l’enseignement du français et du latin. Plus tard, j’aurais pu quitter le Brésil, mais je n’en ai pas eu envie. Même s’il y a des choses difficiles, il y a aussi des choses très belles ici.

A quoi ressemblait São Paulo lorsque tu étais enfant ?
J’habitais une maison. Tout le monde habitait dans des maisons à cette époque. Les terrains étaient bien plus étendus qu’aujourd’hui. Il n’y avait pas ces grands immeubles. A Itaim, il y avait par exemple beaucoup de petits commerces, des bouchers, des couturiers. Toutes les banques, UBS, Deutsche Bank, la Banque du Brésil étaient sur la Quinze de novembro dans le Centro. Ce n’était pas de grands établissements comme aujourd’hui. Il y avait aussi plusieurs tramways que j’empruntais pour aller à l’école. Je dois dire que c’était bien plus charmant à l’époque. C’était aussi moins pollué, on pouvait aller nager dans les fleuves Tiête et Pinheiros. Pour vous donner un exemple, lorsque je suis allée à Lisbonne, cela m’a rappelé le São Paulo des années 60.

La vie était-elle aussi chère à l’époque ?

Il faut savoir qu’il y avait une inflation énorme à l’époque. Les prix montaient chaque jour.  Si vous allez un jour à Ouro Preto, il y a un musée de la monnaie, et là on se rend compte qu’il y a eu beaucoup de monnaies différentes en très peu de temps. Par exemple, dans ce musée, j’en ai retrouvé une que j’avais complètement oubliée. Et  pour cause, elle avait circulé à peine 9 mois. On dépensait aussi moins d’argent. On faisait beaucoup de choses soi-même. On faisait le pain, on cousait ses vêtements. Il n’y avait pas tous les supermarchés comme aujourd’hui. Nous allions au Mercado dans le centre et faisions aussi nos courses sur les petits marchés de rues. On achetait aussi fréquemment au boucher ou au poissonnier qui passaient à la maison et on payait la note à la fin du mois.

Est-ce que la ville de São Paulo
a toujours été considérée comme une ville violente ?
C’était beaucoup moins violent quand j’étais enfant. Je me souviens que j’allais à l’école seule, que mes parents me laissaient jouer dehors et me promener après l’école à vélo. Aujourd’hui, c’est assez rare de voir des enfants de 10 ou 12 ans se rendre seuls à l’école. Il y avait déjà quelques favelas mais beaucoup moins. Il y avait aussi peut-être moins d’inégalités sociales. La ville a commencé à devenir plus violente dans les années 80. Il y avait, certes des vols, mais ce n’était pas comme aujourd’hui. Je vis normalement, mais je prends quand même quelques précautions, je ne sors pas mon téléphone dans la rue, je tiens bien mon sac. Après, il y a aussi un autre élément à prendre en compte, pendant la dictature, on parlait moins de ce type de problèmes à cause de la censure. A cette époque, il y avait aussi une violence policière et militaire.
Quelles ont été les grandes évolutions dont tu te souviens ?
J’ai d’abord été marquée par la disparition des tramways. Le dernier voyage a du avoir lieu entre 1966 et 1967.  Je me souviens aussi du moment où les bouteilles de lait en verre ont été remplacées par des bouteilles en carton. Il y a eu aussi l’inauguration du MASP lors d’un voyage officiel de la reine Elisabeth ou encore l’ouverture du premier centre commercial, celui d’Iguatemi ! La ville s’est industrialisée peu à peu, Rio a cessé d’être la capitale économique et les entreprises ont commencé à s’installer massivement à Sao Paulo.

Justine BAILLIART, Grégoire BERTHIER, Paul BERTHIER, Maxence JACQUET, Victor JACQUET, Loiza LEROUX

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